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Je pense toujours avoir raison… pas vous?

C’est à la suite d’échanges que j’ai eus avec ma femme au fils des ans alors que, comme tout bon couple l’on s’exaspérait tout deux du fait que l’un et l’autre prétendions encore une fois avoir raison, que je commençai à m’interroger. Ainsi, je me demandai comme pouvait-elle prétendre avoir raison quand je croyais pertinemment bien moi-même avoir raison. C’est là que j’ai compris qu’avoir raison tient de la perception que chacun d’entre nous se fait d’une situation et non du fait que si l’un à raison, l’autre a nécessairement tort. Contrairement au concept de « posséder la vérité », où il n’existe qu’une seule réponse (deux plus deux égalant quatre par exemple), celui de « penser avoir raison » lui est subjectif où plusieurs raisons peuvent coexister. Je ne m’attarderai donc qu’à ce dernier dans le contexte du présent article.

Je considère donc que « penser avoir raison » est la résultante logique pour quiconque s’est donné la peine de penser et donc de réfléchir à un sujet donné. C’est d’ailleurs pourquoi je dis souvent que « Pour penser avoir raison, il faut tout d’abord penser. » Certains ont des opinions arrêtées sur tout et sur rien sans toutefois que, de façon évidente, ils y aient réfléchi. Ces gens-là ne disent pas « penser avoir raison », mais il affirme plutôt « avoir raison ». C’est d’ailleurs cette dernière réalisation de ma part, nuance peut-être négligeable pour certains, mais qu’importante dans mon raisonnement, qui m’a fait changer le titre du présent article, car mes lecteurs assidus se rappelleront probablement que le titre que j’avais évoqué dans l’article précédent, alors que je voulais vous mettre en haleine quant à celui-ci, était : « J’ai toujours raison et vous aussi ».

Or, de tous les temps et encore aujourd’hui, l’Homme ayant soif de comprendre, il demeure impératif pour lui de trouver réponse aux questions qu’il se pose. Lorsqu’il ne peut y trouver d’explication logique ou tangible, tel qu’en se servant de notions scientifiques par exemple, il s’en remet à la religion, à la mythologie, au charlatanisme même. À défaut, il peut même s’en remettre à des réponses qui ne sont dérivées qu’à partir de ces croyances et convictions personnelles, tant et aussi longtemps qu’elles lui apportent paix et sérénité.

Avoir une opinion réfléchie et éclairée c’est donc oser prétendre avoir raison, mais c’est aussi respecter et apprécier le fait que d’autres puissent « penser avoir raison ». Cet élément de respect de l’opinion d’autrui est d’une importance capitale puisque d’en faire abstraction peut rendre l’Homme dérangeant, voire même menaçant. Ainsi, il existe des gens de type « dictatorial » dans toutes les sphères de notre société, que ce soit au travail, en famille ou dans la vie publique. Et, quoique l’on se doive de reconnaitre que leur opinion puisse être réfléchie, on ne peut certes pas la qualifier de respectueuse. L’on doit donc craindre ces unilatéralistes de la pensée qui, à la limite, sont capable d’atrocités qu’ils sanctionnent avec aisance au nom de leurs « raisons ». In extrémis, pensez à tous ces dictateurs modernes qui défraient la manchette ou tous ces terroristes extrémistes qui continuent de s’offrir en sacrifice humain au nom de leurs croyances.  Il y a donc de ces « … gens qui sont convaincus d’avoir raison, qui ont une seule représentation du monde et qui veulent l’imposer aux autres. “J’ai raison, j’ai la police, j’ai l’armée, donc, pour votre bien, je vais vous envoyer la police, alors, je vais vous déporter, vous rééduquer, vous excommunier, vous torturer, mais c’est pour votre bien que je fais ça, puisque j’ai raison”.1

Donc, à partir du moment que l’on comprend et surtout que l’on accepte qu’il soit possible, je dirais même probable, que d’autres puissent penser avoir raison il ne nous reste donc plus qu’à écouter et essayer d’apprécier et de comprendre le point de vue de l’autre. Écouter ne voulant pas toutefois nécessairement dire adopter, nul ne devrait se sentir menacer où diminuer par un tel exercice. De se permettre de penser avoir raison c’est donc aussi ce se permettre de se remettre perpétuellement en question et donc d’avoir une pensée évolutive. C’est ainsi qu’à la rencontre de quelqu’un avec qui l’on échange sur un sujet précis ou à la lecture d’un livre de réflexion par exemple, et dans la mesure où l’on se permet d’être à l’écoute du message qui nous est destiné, il est possible que, même si d’emblée nous avons des convictions bien ancrées nous décidions d’adopter en totalité ou en partie, le point de vue qui nous est présenté. La beauté dans ce fait est qu’à la fin de notre échange, de notre lecture, nous continuons de penser avoir raison, et ce, malgré le fait que notre raison originale eût pu être modifiée. Cet enrichissement de notre pensée nous permet donc de garder notre équilibre mental ou chaque question se doit de trouver réponse.

Force est donc d’admettre que notre “raison” ne peut qu’être évolutive et se façonner au gré de nos rencontres, de nos interactions, de notre vécu. C’est pourquoi Boris Cyrulnik2, malgré toutes ces années de pratique répondit sans gêne: “…voilà, ça, c’est 40 ans de pratique qui m’ont permis d’arriver à cette conclusion, bien sûr, provisoire…. Donc, ça va encore changer !”3

Il n’est donc pas prétentieux de penser avoir raison. Nul ne devrait s’en culpabiliser non plus quoi qu’en disent certains de vos interlocuteurs. On devrait même s’en réjouir, car de penser avoir raison signifie qu’à tout le moins, l’on a pensé, opportunité qui n’est pas saisie par tous. À partir du moment où l’on accepte que notre raison puisse être évolutive, il importe donc d’apprendre à être à l’écoute des autres. Ce qui importe donc lors d’une discussion n’est pas de déterminer lequel d’entre les deux peut avoir plus raison (puisque cette détermination ne peut être que subjective de toute façon), mais bien de se réjouir d’avoir pu bénéficier d’un échange sain et respectueux, seule façon pour quiconque de croitre et de faire évoluer sa pensée. Tout réside donc dans la façon dont l’échange se produit, dans la manière où la pensée de l’autre est reçue et dans la façon dont on se sert pour faire valoir son point de vue. Cette réalisation à elle seule vous rendra meilleur communicateur et améliorera toutes vos relations interpersonnelles qu’elles soient travail, famille ou amour.

C’est donc ainsi que, fier de mes opinions et sachant que pour les émettre j’ai dû d’abord y réfléchir, je continuerai de vous faire part de “ma raison” au fil des articles à venir. Ne soyez donc plus anxieux, si c’est le cas, face à l’idée de croire que vous puissiez vous aussi penser avoir raison. Affirmez-vous et faites valoir votre point de vue…respectueusement naturellement! De par le fait même, je vous invite à commenter mes articles afin que ma pensée évolue et qu’ainsi je puisse continuer de «penser avoir raison;» alors que ma réflexion se nourrira de vos propos.

Je vous laisse avec cette belle citation d’Henry Ford :

« Penser est la chose la plus difficile qui existe, voilà pourquoi si peu de gens s’engagent dans cette voie. »

Sources

  1. Extrait de l’entrevue accordée par Boris Cyrulnik à Stephan Bureau dans le cadre de la série télé « Contact, l’encyclopédie de la création »
  2. Une sommité en neuropsychiatrie, reconnue pour ces recherches dans le domaine de la résilience
  3. Extrait de l’entrevue accordée par Boris Cyrulnik à Stephan Bureau dans le cadre de la série télé « Contact, l’encyclopédie de la création »
Author
Jaco
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